Claude n'est plus là... C'est impensable, difficile à admettre. On le croyait un Phénix ressuscitant après chaque coup du destin. Quelqu'un qui avait une grande volonté de vivre, de créer, d'échanger, de transmettre ses savoirs aux autres. Un dernier encyclopédiste...
Il restait très fidèle à la "Cerisaie", en étant son conseiller artistique et nous aidant non seulement intellectuellement, mais aussi concrètement en prêtant, par exemple, son synthétiseur ou ses meubles (les fameuses chaises!) qu'il transportait en voiture jusqu'à l'Amphidice. Cette année, se trouvant à l'hôpital, il n'a pas pu assister à notre spectacle, mais sa valise bordeaux (avec laquelle il avait voyagé à Moscou dans les années 60) était sur scène. C'était donc une "Valise d'absurdités"... Il soutenait notre petite association théâtrale russe, comme il soutenait toutes les langues et cultures slaves, son seul souci étant de voir triompher la culture face à la vulgarité de l'existence moderne. Il ne supportait pas le vulgaire dans tous ses états ce qui le rapprochait tant de Tchékhov.
Claude était un homme de théâtre par excellence. Ses cours ressemblaient, selon ses anciens étudiants, à de vrais spectacles. C'était du théâtre d'un seul acteur, des one man shows, spectacles solo. Des strophes me remontent à la mémoire, celles d'un poème de Boris Pasternak (un des poètes qu'il aimait énormément tout comme Rilke, Tsvetaeva, Mandelstam et, bien sûr, Pouchkine), poème qui porte le titre "Hamlet" Гамлет:

Гул затих. Я вышел на подмостки.
Прислонясь к дверному косяку,
Я ловлю в далеком отголоске,
Что случится на моем веку.

На меня направлен сумрак ночи
Тысячью биноклей на оси.
Если только можешь, авва отче,
Чашу эту мимо пронеси.

Я люблю твой замысел упрямый
И играть согласен эту роль.
Но сейчас идет другая драма,
И на этот раз меня уволь.

Но продуман распорядок действий,
И неотвратим конец пути.
Я один, все тонет в фарисействе.
Жизнь прожить - не поле перейти.

...............................
Mais on a pesé l'ordre des actes,
Rien ne peut changer le dénouement.
Je suis seul. Les pharisiens sont maîtres.
Vivre, ce n'est pas franchir un champ.
(trad. de M. Aucouturier)